Assises de la Télémédecine en Nouvelle-Aquitaine : focus sur la Téléexpertise
Afin d’engager une réflexion collective pour définir les contours de l’organisation de la télémédecine de demain, la Caisse nationale de l’Assurance Maladie et la Direction générale de l’offre de soins ont lancé en juin 2025, les Assises de la télémédecine. , Sous différents formats et ateliers thématiques régionaux, de septembre à décembre 2025, l’ensemble des parties prenantes se mobilise dans sept régions de France afin de dresser un panorama des pratiques en France et de dégager des pistes de réflexion pour aboutir à un cadre clair dans un contexte de développement d’une grande diversité de pratiques de la télémédecine.
Ainsi, le mercredi 12 novembre 2025, l’ARS Nouvelle-Aquitaine, l’Assurance Maladie et le GRADeS ESEA ont organisé la cinquième étape régionale des Assises de la télémédecine à Bordeaux, dédiée à la téléexpertise. Ce rendez-vous, structurant pour le secteur, a rassemblé plus de 70 participants parmi les professionnels de santé, éditeurs, institutionnels et représentants des usagers pour une journée de co-construction, d'échanges et d'ateliers participatifs.
Ouverture et contexte régional
La journée s'est ouverte sous l’égide de l’ARS et l’Assurance Maladie, respectivement représentées par Atika Rida-Chafi et Jeannette Boullemant pour la DCGDR, qui ont pu rappeler que la Nouvelle-Aquitaine figure à la troisième place au niveau national concernant le taux d’usages de la téléexpertise, soit 15,9 actes pour 1000 habitants en 2024, derrière la Bretagne (41,3 actes/1000 habitants), soulignant une montée en puissance d’un nouveau mode d’organisation des soins.
Conférence participative : état des lieux et restitutions nationales/régionales
Delphine Devars (DCGDR NA) a présenté l'état des lieux national et régional. Depuis janvier 2022, plus d'1,5 millions d'actes de téléexpertise ont été facturés, dont 1 million d’actes réalisés par des requérants, et parmi ceux-ci, 89% l’ont été par des médecins généralistes.
Les spécialités les plus sollicitées sont la dermatologie, la cardiologie et la radiologie.
On relève une dynamique très hétérogène sur le territoire néo-aquitain : si la dynamique est établie dans les Landes, les Deux-Sèvres ou la Vienne, certains départements tels que la Corrèze, la Creuse ou le Lot-et-Garonne restent peu représentés.
Consultation en ligne : profil et avis des répondants
Axelle Auffret & Marion Saint-Jammes (ARS NA) ont ensuite présenté les éléments issus de la consultation régionale en ligne menée par l’ARS et le GRADeS ESEA qui portait sur la place de la téléexpertise dans les pratiques de santé en France aujourd’hui. Adressée à 528 destinataires, 58 réponses complètes ont été reçues (taux de retour de 11%).
Plus de la moitié des répondants sont des professionnels de santé en exercice libéral.
Parmi les principaux résultats :
43% jugent la téléexpertise comme une pratique importante et utile, un outil quotidien complémentaire à la pratique clinique, qui structure le parcours de soins,
34% la voient comme un levier d'accès, permettant de réduire les inégalités territoriales, d'accélérer l'accès à un avis spécialisé et améliore la coordination ville-hôpital,
17% souhaitent davantage de soutien organisationnel et technique, pour faciliter l'intégration et la valorisation de la téléexpertise dans la pratique.
Des grandes tendances se sont dégagées entre plus-values et obstacles, telles que :
- un net consensus sur l’accès plus rapide à un avis de spécialiste : « C’est la plus-value majeure pour les patients et pour les correspondants. Elle permet une réponse experte dans des délais très courts, notamment pour les brûlures ou les situations post-traumatiques où chaque heure compte. »
- des freins techniques, organisationnels et financiers sont majoritairement cités par les répondants : « L’absence de protocoles clairs ou de temps dédié freine encore son intégration dans le quotidien médical. »
L’intégralité de la concertation sera partagée avec les tutelles et participants.
Retours d'expérience : regards croisés
Trois grands témoins ont partagé leurs expériences et perspectives :
Dr Andrei Vial : médecin généraliste libéral, MSP Pays Dacquois,
Dr Valérie Dorizy-Vuong : médecin dermatologue et vénérologue libéral et hospitalier au CHU de Bordeaux,
Arthur Dauphin : conseiller national pour France Assos Santé
Ils ont souligné :
- Le rôle structurant des réseaux de professionnels et la nécessité d’une formation adaptée pour les nouveaux praticiens.
- L’importance de décrire les avantages pour les usagers, tels que l’accès à une expertise, une diminution de l’errance diagnostique et des déplacements, particulièrement pour les patients en perte d’autonomie ou en situation de renoncement aux soins.
- L’obligation du recueil du consentement et de l’information claire du patient dans le suivi de son parcours.
- La montée en compétence des requérants ainsi que la gradation des soins, avec une forme de priorisation des cas patients.
- Les freins rencontrés tels que l’absence de coordination sur certains territoires, le manque de lisibilité de l’offre et l’importance d’avoir un annuaire d’experts, l’organisation des plannings pour intégrer ces actes sur des plages dédiées.
Le débat fut ensuite ouvert à tous les participants de la journée pour échanger sous forme de questions/réponses.
Outils numériques et interopérabilité : projet régional "Confluences Téléexpertise"
Le dernier temps fort de la matinée était présenté à trois voix :
Vincent Pascassio Comte (ARS NA)
Florent LACHAL (GRADeS ESEA)
Christian CAUBET (DNS)
En Nouvelle-Aquitaine, partant du constat « qu’il existe une multiplicité d’outils en fonction des professions et des types de filières pour réaliser de la téléexpertise sur un même territoire », l’ARS, avec le soutien du GRADeS, a souhaité promouvoir l’interopérabilité et non imposer un outil unique régional.
Ainsi, les deux premiers intervenants ont présenté l’initiative régionale "Confluences Téléexpertise", conçue pour améliorer l’interopérabilité entre les outils du territoire, afin de fluidifier les démarches du requérant, simplifier le suivi et garantir la traçabilité.
Le projet "Confluences Téléexpertise" vise à :
- Centraliser et présenter les offres de téléexpertise de manière exhaustive sur l’ensemble de la région, sous forme de liste et de cartographie,
- Aiguiller le requérant et sa demande vers le bon professionnel requis en fonction de ses critères de sélection et besoins pour le patient,
- Suivre les demandes et leurs statuts dans un tableau de bord,
- Simplifier la demande pour un professionnel de santé requérant depuis son logiciel métier, sans ré-authentification,
- Gagner du temps grâce au pré-remplissage de la demande intégrant le contexte patient et celui du professionnel requérant.
Co-construit avec les parties prenantes, éditeurs de logiciels de gestion de cabinet (LGC) et de téléexpertise ; le projet respecte les référentiels nationaux de sécurité, d’interopérabilité et d’hébergement tout en s’appuyant sur les services socles.
Les invités rappellent que l’enjeu est d’« apporter du confort et du gain de temps pour le médecin généraliste et une exhaustivité de l'offre pour correspondre au mieux au besoin patient ».
Après le test des 1ers connecteurs avec démonstrateurs, la réalisation d’un pilote avec des professionnels de Nouvelle-Aquitaine et éditeurs de LGC et de téléexpertise est prévue courant 2026.
Le dernier intervenant, a pu présenter la position du Ministère relative à l’approche pragmatique des acteurs de la Nouvelle-Aquitaine et rappeler que depuis le Covid, le Ministère soutient le développement de la téléexepertise et veille à dynamiser la pratique (via la cotation des actes notamment).
Le Ministère porte en ce sens de multiples concertations avec l’écosystème pour créer les conditions pratiques du cadre propice pour le développement des usages et de l’innovation numérique en santé (axe 4 de la stratégie nationale du numérique en santé).
Ateliers collaboratifs : perspectives d’avenir
L’après-midi a été consacré à cinq ateliers participatifs autour des thèmes suivants :
structuration d’un parcours de soins,
cohérence et pertinence des soins,
formes et pratiques de la téléexpertise,
innovations technologiques et IA,
nouveaux modèles organisationnels.
Via différents cas-pratiques et mises en situation, ces groupes ont permis de nourrir la réflexion collective en vue de co-construire le futur de la téléexpertise.
Conclusion et suites institutionnelles
Les premiers retours qualifient la journée de structurante et fédératrice.
La restitution détaillée de cette journée est en cours de rédaction pour être adressée au Ministère de la Santé et à la CNAM début décembre afin que ces contributions et enseignements (points de convergence, principaux sujets de débats, points d’arbitrage ou propositions d’évolutions) soient intégrés dans la prochaine feuille de route nationale.
Les conclusions des différents ateliers menés dans le cadre de ces Assises seront ensuite partagées par le national lors d’une journée de clôture en janvier 2026.
L’ensemble des acteurs régionaux est ici remercié pour leur implication dans ce temps fort inédit en région, en faveur de l'amélioration de la pratique de la téléexpertise.